Dans le cadre de son mémoire « Les mutations du poche à l’ère du numérique », une étudiante a voulu en savoir plus sur les Éditions Numeriklivres. Je reproduis ici une partie de l’entrevue.
Comment est né NumerikLivres ?
Numeriklivres est née à la suite d’une longue réflexion personnelle sur l’évolution de nos habitudes de lecture. Nous lisons de plus en plus sur écran sans même nous en rendre compte. L’utilisation des tablettes se banalise de plus en plus, tout comme celle des liseuses. Enfin, après 15 ans d’expérience dans l’édition traditionnelle, je considère que le modèle économique de la chaîne du livre est un modèle complètement désuet qui enchaîne la lecture plus qu’elle ne la libère.
Vos ouvrages sont-ils seulement des titres français ou faîtes-vous aussi des traductions ?
Nous ne voyons pas l’intérêt de faire traduire nos ouvrages pour le moment. Un traduction coûte très cher. Et puis je considère que nous avons encore beaucoup à faire pour développer une catalogue francophone pertinent nativement numérique pour un public francophone.
Que soignez-vous le plus dans vos ouvrages qui pour vous est nécessaire à un ebook réussi ?
Tout. Aucune étape ne doit être négligée : de la couverture à la promotion en passant par l’éditing. L’édition nativement numérique n’est pas une édition au rabais. La conception de nos fichiers numériques est primordiale. Il faut offrir le meilleur à nos lecteurs qui ont choisi de lire en numérique, ce n’est pas négociable.
Je vois que vous avez par exemple des couvertures en couleurs, c’est important pour vous le visuel pour communiquer avec le lecteur ?
Sur le Web, vous devez accrocher les Internautes avec des visuels qui se démarquent en utilisant les codes graphiques actuels ; des couleurs vives, le flat design et j’en passe.
L’absence de DRM, c’est important pour vous ?
Depuis nos débuts en 2010, nous ne mettons pas de DRM. En cela, nous sommes précurseurs avec d’autres comme Publie.net ou Walrus Books. Je souhaite que les lecteurs qui acquièrent nos titres légalement puissent vivre une expérience de lecture optimale. Cela dit DRM ou pas DRM, nous devons apprendre à vivre avec le piratage parce qu’il y a toute une catégorie d’Internautes qui pensent que tout doit être gratuit sur le Web. Le piratage est un vrai problème surtout pour nous, éditeur nativement numérique parce que notre modèle économique repose uniquement sur l’exploitation du format numérique.
Diriez-vous que les ventes sont en augmentation, en baisse ou sont stables pour cette année 2014 ?
Nous avons connu une progression importante de nos ventes dès les premières années. Depuis, les ventes ont tendances à stagner. Mais c’est tout à fait normal. L’important, c’est de rester concentrer sur la qualité du catalogue
Qui sont vos principaux concurrents ? Qu’est ce qui vous différencie d’eux ?
Je ne sais pas ce qui me différencie de mes concurrents et puis ce serait prétentieux de ma part d’énumérer mes différences. C’est le lecteur qui décide en bout de course et non moi. Nous essayons dans la mesure du possible de construire un catalogue pour nos lecteurs et non pour faire plaisir à l’élite.
Où peut-on trouver vos ouvrages et sous quels formats ?
Sur toutes les librairies en ligne, les petits et les grandes. Un éditeur qui se contenterait de diffuser sur un seul canal de vente n’a vraiment rien compris à l’édition. L’intéropérabilité est un gage de réussite. Je n’ai pas à décider pour les lecteurs s’ils doivent lire sur un Kindle, un iPad ou leur ordinateur. Ce que je sais, c’est qu’ils doivent trouver nos titres.
Comment sont fixés les prix de vos ouvrages ?
Nous avons une règle : ne pas être plus cher qu’un livre de poche.
Votre phrase d’accroche sur le site est « Des ebooks pour tous les goûts moins chers qu’un livre de poche ». Pourquoi cette comparaison directe ? Pensez-vous que le poche soit votre principal concurrent ?
Le poche n’est pas du tout un concurrent, c’est un format de lecture comme les autres. Je ne cherche pas à concurrencer le poche qui a encore de beaux jours devant lui. Ce que je dénonce avec ce slogan, c’est plutôt le fait que c’est encore aberrant de voir que des maisons d’édition historiques vendent les fichiers numériques d’un même titre presque deux fois plus chers que son format poche.
Comment vous sentez-vous face à l’augmentation de la TVA à 20% pour le numérique ?
Wait and see. Rien n’est encore fait et je pense, à terme, que la TVA restera à 5,5%.
Comment procédez vous pour la promotion de vos ouvrages ? Comptez-vous sur le webmarketing uniquement ? Créez vous des goodies pour vos lecteurs par exemple ?
Effectivement, nous misons beaucoup sur le webmarking, cela fait partie de l’ADN des Éditions Numeriklivres depuis toujours. Et puis, je pense que nous avons plus de chance de rencontrer des lecteurs sur le Web que dans une librairie. Bien sûr, cela implique de nouvelles compétences dans le métier d’éditeur. Ainsi, pour nous, notre site Web est primordial, c’est la colonne vertébrale de toute notre communication virale. Nous sommes pas très goodies. La seule chose que nous offrons de physique, sont des cartes postales que les auteurs utilisent à la fois pour faire la promotion et des dédicaces.
Participez-vous à des salons du livre ou autres manifestations pour être visibles en dehors d’internet ?
Nous avons fait le Salon du Livre de Paris en 2013, mais je ne ferai plus aucun salon pour le moment. Le numérique n’a pas sa place dans ce genre de manifestation où tout est pensé à la gloire du “papier”. Et puis cela coûte une fortune, cela ne vaut pas la peine. Pour nous, nous avons un salon du livre permanent qui s’appelle Internet. Et puis, vous savez, les gens qui lisent en numérique ne vont pas chercher l’inspiration dans des salons du livre papier. Tout comme, c’est ridicule de penser que les gens qui téléchargent des bouquins vont aller dans une librairie physique avec, par exemple, une clé USB pour faire leurs achats de lecture numérique. Je n’ai jamais encore vu personne aller dans le rayon musique d’une FNAC pour aller télécharger des fichiers MP3 !
Organisez-vous des rencontres entre vos lecteurs et vos auteurs ?
Nous y réfléchissons sérieusement.
Selon vous, quelles sont les faiblesses du numérique en France aujourd’hui ? Pourquoi ne s’impose-t-il pas encore en France autant que dans certains pays Anglo-saxons par exemple ?
C’est très simple : il n’y a aucune culture de la lecture numérique en France, le numérique étant relégué à un rôle de second plan. On le présente trop souvent à mon goût comme un « complément » du papier, on essaye d’éviter au maximum qu’il fasse trop d’ombre au papier ! L’édition numérique souffre du lobbying des gens du papier, elle souffre également d’une politique de prix aberrante et illogique. Pour nous, le format numérique est un format de lecture à part entière qui se suffit à lui-même. Et il y a encore beaucoup de travail à faire pour qu’il soit reconnu à sa juste valeur tant auprès des lecteurs que des institutions professionnelles et des auteurs. Même chez les éditeurs « pure-players », la tendance est d’être de moins en moins « pure-player » mais de plus en plus papier !
Pensez-vous que le numérique puisse prendre le pas sur le poche, ou sur le papier en général, quitte à peut-être le faire disparaître ?
Même moi que ne lis plus en papier depuis 5 ans, je n’ai jamais pensé ni souhaité la fin du papier. Et d’ailleurs, faut arrêter cette tendance qui consiste à diaboliser un support pour en valoriser un autre. Peut-être qu’à terme – à très long terme – le format poche est menacé mais on parle ici d’un format, pas du support papier, il ne faut pas tout mélanger. Nous verrons bien. Moi, mon souci, ce n’est pas de souhaiter la mort d’un support ou d’un format, c’est de faire en sorte que le format numérique soit reconnu comme un format de lecture à part entière. Je ne participe plus à ces débats d’arrière-garde sur le numérique versus le papier.
JFG
